Bien avant de s’exprimer au cinéma, la marionnette tchèque usait les planches des petits théâtres depuis plusieurs siècles dans tout le pays. Ces spectacles connaissent leur apogée sous l’empire austro-hongrois. Des marionnettistes comme Josef Skupa profitent du désintérêt de la censure qui les considère sans risque car à destination des enfants. Un large public accompagne les bambins à des représentations de légendes du folklore tchèque mais toujours plus teintées de politique et de satire de l’actualité, un peu à l’instar du Guignol lyonnais.
C’est durant la Seconde Guerre Mondiale que, image par image, des marionnettes tchèques font leurs premiers pas devant la caméra. Contournant aussi la censure, Hermína Týrlová adapte dans un film ambitieux, un livre très populaire pour enfants. Elle réalise Ferda la fourmi, premier film d’animation tchèque avec des pantins de bois et devient, avec Karel Zeman, une créatrice majeure du studio de Zlin.
Mais celui qui évoque à lui seul le film de marionnette est Jiří Trnka, comme Walt Disney peut incarner le dessin animé. Trnka, déjà connu avant la Seconde Guerre Mondiale pour ses spectacles de marionnettes dans la grande tradition de Skupa, crée avec des amis, dès la fin des hostilités un studio au cœur de Prague où il réalisera une vingtaine de films dont 6 longs métrages jusqu’à sa mort en 1969. Rare initiative, il fonde dès 1945 une école nationale de cinéma parallèlement à son studio pour développer les techniques de l’animation en volume et de la marionnette en particulier. Des réalisateurs du monde entier viendront s’y former ou y chercher l’inspiration comme le japonais Kawamoto ou le Néerlandais Co Hoedeman.
Avec son plus grand collaborateur et successeur, Břetislav Pojar, ils développent une animation très souple et contrôlée pour exprimer les émotions principalement par la gestuelle. S’ils s’inspirent souvent des contes, ils insufflent dans leurs films de la modernité tant dans la forme que dans les histoires qui expriment des réalités du monde contemporain, sublimées par la poésie qu’offre le film d’animation. D’autres grands noms suivront comme Lubomír Beneš et Vladimír Jiránek, les auteurs de la célèbre série Pat et Mat (1976 à 2004) ou Jiří Barta qui réalise en 1985 Krysar, le joueur de flûte ou plus récemment le surprenant Drôle de grenier mixant la marionnette à d’autres techniques animées et que l’on peut redécouvrir sur grand écran en version remasterisée.
Si le développement de la société de marché a freiné la production tchèque durant une vingtaine d’années, la fameuse école de cinéma de Prague, la FAMU, a toujours pu former de nouveaux créateurs. Ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux, marchant dans les pas des plus grands comme Trnka, Pojar ou Barta.
Parmi eux, Jan Bubeníček et Denisa Grimmová, réalisateurs de Même les Souris vont au Paradis. Leur film en stop-motion, dans la lignée de leurs maîtres, exprime dans un conte onirique rempli d’animaux, avec humour et poésie, des sujets de la « vraie vie » comme la mort ou le dépassement de ses peurs et de ses préjugés et l’amitié.