Ma technique de peinture animée est un peu comme un numéro d’équilibriste sans filet. Je peins directement sous la caméra avec tout ce que cela implique de risques, d’intuitions, de hasards et d’exigences.
Le processus est apparemment simple. Une caméra au dessus d’une table, un premier dessin est photographié puis modifié légèrement sur la même surface et au fur et à mesure des changements, on prend des images. Il y a peu de possibilités de retours en arrière. Je dessine le mouvement par transformations successives, touche après touche, créant une matière qui agit, vibre, produit ses propres intensités, ses propres couleurs. Je profite des accidents qu’elle m’offre, je me laisse guider par elle. Le détail des mouvements s’improvise au gré de mes intuitions, des idées qui surgissent… Je me suis toujours donner la liberté d’hésiter, de traîner, de gâcher parfois…
Il n’y a rien de moins industriel que cette technique d’animation. Il est quasiment impossible de rationaliser le travail, d’espérer que l’on pourra faire tant de secondes par jour, tant de décors, tant de reprises en compositing.
Au cinéma, il faut 24 images par seconde pour donner l’illusion du mouvement ou pour économiser un peu de travail 12 dessins que l’on prend deux fois. On peut faire le calcul du nombre d’images qu’il faut faire pour 1 heure 20 de film.
Jusqu’à présent, je travaillais seule ou presque. Mais pour un long métrage, il fallait une équipe. Comment faire passer aux décoratrices, aux animateurs et animatrices, cette technique qui est la traduction d’un travail personnel ?
Nous avons commencé par réaliser plus de 500 décors avec dix décoratrices.
Quatorze animatrices et un animateur ont travaillé sous ma direction. Il fallait garder la cohérence de l’ensemble, tout en donnant à chacun-chacune la possibilité d’exprimer son talent propre. Cela a été l’un des enjeux principaux du film.
La réalisation a duré trois ans. Quatorze bancs-titres ont été construits dans trois studios et trois pays : la France, la Ré – publique Tchèque, l’Allemagne. Et petit à petit, seconde par seconde, plan par plan, j’ai vu le film naître.